LXXIX Anniversaire -- 26 février --

O mon Maître! un nouveau printemps, Avec ses souffles palpitants Baise ta chevelure, insigne Comme le cygne. 5 Tes deux enfants sont dans tes bras; Et tout ce que tu célébras Vient acclamer ta force élue Et te salue. Au loin, sous la rumeur du flot, 10 La mer te dit, dans un sanglot: J'ai moins de colère et de rages Que tes orages. Le bois touffu te dit: J'ai moins D'oiseaux, les cieux m'en sont témoins, 15 Que n'en accueille dans son ombre Ta strophe sombre. Le ciel, en son tragique effroi, Dit: Ton esprit est, comme moi, Plein de gouffres et de désastres, 20 Mais criblé d'astres. Le glaive, au chaste éclair d'acier, Te dit: Poëte et justicier, Je suis effrayant, moi le glaive, Moins que ton rêve. 25 Et la lyre, pleine de voix, Que seul tu touches et tu vois, Murmure: Je suis ta servante Et je m'en vante. Et les humbles et les petits, 30 Déchirés par leurs appétits, Les groupes cent fois adorables Des misérables; Les femmes, si souvent en pleurs, Que tout blesse, comme des fleurs; 35 Et les cohortes vagabondes, Les têtes blondes; Les enfants, dont tu sais les noms, Te disent: Maître, nous venons Louer la douceur infinie 40 De ton génie. -- O grand songeur plein de pitié, Par qui le crime est châtié, Terrasse la haine méchante: Vis! Aime! Chante! 45 Marche, auguste, dans ton chemin, Et contre tout glaive inhumain Lève ta main pensive et calme Qui tient la palme! 26 février 1884.

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