RIMES DORÉES 1863-1890 AU LECTEUR Ces Rimes qui, pour la plupart, avaient brillé dans mon esprit avant celles des Occidentales, étaient comme dorées en effet par ces rayons de soleil couchant qui ont parfois la splendeur joyeuse d'une aurore. Au moment où je chantais ainsi, nous n'avions pas encore au flanc la blessure qui toujours s'irrite et saigne. Déjà enfuie loin de moi, la Jeunesse me laissait voir encore son lumineux sourire et le bout rose de la draperie qui traîne derrière elle; et si ma pensée était troublée obscurément par les affres de ce qui devait venir, je me rassurais, comme tous l'ont fait, en songeant à ce qu'il y a de vivace dans le miraculeux génie de la France. Parmi les feuillets épars de ce recueil, je relis, hélas! dans le poëme intitulé: La Lyre dans les Bois, une strophe où je parlais de la victoire avec un dédain qui aujourd'hui m'arrache des larmes. Nous étions bien heureux alors, ou bien dégoûtés, et le temps devait venir si vite où cette victoire, méprisée naguère, nous l'appellerions avec des cris désespérés! Mais, c'est la loi fatale et sans exception, l'avenir qui, lorsqu'il était éloigné encore, nous apparaissait visible dans la clarté, se voile et disparaît à nos yeux quand il s'approche et quand il va devenir le présent. En composant ces petits poëmes, embellis souvent par une allégresse triomphale, je ne me doutais plus que les jours accouraient où j'aurais l'épouvantable occasion d'écrire les Idylles Prussiennes. T. B. Paris, le 5 mai 1875.

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