Vers le ciel

Elevons nos regards vers le ciel adouci. Mère, c'est dans un jour, pareil à celui-ci Que ta mère, éperdue, en ses ferveurs étranges, Te voyait, en dormant, sourire pour les Anges! 5 Ah! par ces premiers jours de printemps clairs et doux, Le souffle de nos morts chéris est avec nous. Il caresse nos fronts et nous dit à l'oreille: Voici que tout renaît et que tout se réveille; Qu'après l'hiver jaloux qui dépouillait leur front 10 Les bois luxuriants bientôt reverdiront, Et que renouvelant sa riche broderie La terre au flanc vermeil sera toute fleurie! Mère, ils parlent ainsi, car ils suivent nos pas. Ils ne nous laissent pas, ils ne nous quittent pas, 15 Mais attentifs, voyant nos peines amassées, A suivre dans nos yeux l'ombre de nos pensées, Ils ne sont malheureux que de notre douleur, Puisqu'ils ont déjà pu sentir leur vie en fleur Naître et s'éveiller, comme un renouveau splendide. 20 La vérité n'est pas notre front qui se ride: C'est la bonté de Dieu, qui nous laisse entrevoir Au lointain la lueur sereine de l'espoir, Et qui nous versera le bonheur sans mesure Dans les cieux frémissants que sa prunelle azure. 25 Ils nous rendra mon père et sa grave douceur Et le rire ingénu de ma petite soeur; Car le Seigneur n'emplit d'ombre la forêt verte Et ne sème des fleurs sur la plaine déserte Et ne fait rayonner sur nous le soleil d'or 30 Que pour nous dire: Enfants, patientez encor; Vos ennuis sont amers et vos jours difficiles, Mais je vous vois, je songe à vous. Soyez tranquilles. 16 février 1872.

ROSES DE NOEL -- Table des Matières
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