L'Ame de la Lyre

Fille des hommes, je suis une parcelle de l'esprit de Dieu. Cette Lyre est mon corps. George Sand. Quand le premier sculpteur eut achevé la Lyre Et caché dans son sein les chants harmonieux; Ouvrier sans défaut, lorsqu'il eut fait sourire Parmi ses ornements les figures des Dieux, 5 Et qu'il eut couronné l'instrument de martyre Avec le vert rameau d'un laurier radieux; L'indomptable Titan, à son désir fidèle, Qui, tout brûlant encor, vers la voûte éternelle Une seconde fois, tentait de s'envoler, 10 Fit, pareil au vautour qui devait l'immoler, Tomber sur le chef-d'oeuvre une blanche étincelle Du feu resplendissant qu'il venait de voler. C'est l'âme de la Lyre; à notre âme invisible Elle se plaint souvent loin du monde réel, 15 Souvent, dans une étreinte amoureuse et terrible, Vient la brûler aux feux de son oeil immortel; Et, captive à jamais dans le rhythme inflexible, Elle aspire sans cesse à remonter au ciel. Elle meurt du désir qui toujours la dévore 20 Dans la froide prison des mètres et des vers, Et tâche, l'oeil perdu parmi les cieux ouverts, D'entendre encor la voix de cet archet sonore Qui, si loin du désert où ses chants vont éclore, Mène dans l'infini le choeur de l'univers. Juin 1845.

LES STALACTITES -- Table des Matières
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