Reste belle

Que ton feu me dévore! Plaisir ou bien effroi, Tout me ravit; j'adore Tout ce qui vient de toi, 5 Et la joie ou les larmes, Tout a les mêmes charmes. Ta voix qui se courrouce, Quand j'en étais sevré, Pourtant semble plus douce 10 A mon coeur enivré Que les chansons lointaines Qui tombent des fontaines. Garde ta barbarie, Tes méchants désaveux; 15 Tu ne peux, ma chérie, Empêcher tes cheveux, Où le soleil se mire, De vouloir me sourire! Tes pensives prunelles 20 Ont emprunté des cieux Leurs splendeurs éternelles; Ton front délicieux Prend en vain l'air morose, Ta bouche est toujours rose. 25 Malgré tes forfaitures, Les roses de l'été Ornent de lueurs pures Ta sereine beauté A ta haine rebelle. 30 Il suffit, reste belle! Non, ta grâce de femme, Rien ne peut la ternir; Elle est un sûr dictame, Et tu vins pour tenir 35 La quenouille d'Omphale Dans ta main triomphale. Février 1861.

AMÉTHYSTES -- Table des Matières
Retour à la page Banville