A Madame Caroline Angebert

Chanter, mais dans le soir sonore Et pour ses amis seulement, Fuir le bruit qui nous déshonore Et le vil applaudissement; 5 Brûler, mais conserver sa flamme Pour le seul but essentiel, Êum;tre cette espérance, une âme Qui chaque jour s'emplit de ciel; Avec une pensée insigne 10 Qui vous berce dans ses éclairs, Vivre, blanche comme le cygne Parmi les flots dorés et clairs; Ne rien chercher que la lumière, S'envoler toujours loin du mal 15 Sur les ailes de la Prière, Jusqu'au glorieux idéal; Sentir l'Ode au grand vol qui passe En ouvrant ses ailes sans bruit, Mais ne lui parler qu'à voix basse 20 Dans le silence et dans la nuit; Rappeler sa pensée errante Dans les pourpres de l'horizon; Êum;tre cette fleur odorante Qui se cache dans le gazon; 25 Telle est votre gloire secrète, Esprit de flammes étoilé, Dont l'inspiration discrète Fait tressaillir un luth voilé! Ah! que la grande poétesse, 30 Devant les vastes flots déserts Maudissant la bonne Déesse, Jette sa plainte dans les airs! Que la douloureuse Valmore, En arrachant l'herbe et les fleurs, 35 Montre à l'insoucieuse aurore Ses beaux yeux brûlés par les pleurs! Mais celle qui pourrait comme elles Suivre le grand aigle irrité, Et qui domptant ses maux rebelles 40 Se résigne à l'obscurité, Celle-là, guérie en ses veines, Sent le calme victorieux Triompher des angoisses vaines; Et ces êtres mystérieux 45 Dont l'invincible souffle enchante Ce qui vit et ce qui fleurit, Disent entre eux lorsqu'elle chante: Écoutons-la, c'est un esprit. Avril 1842.

TABLE -- Table des Matières
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