Sabbat

Ah! au milieu du chant, une souris rouge lui a jailli de la bouche. Goethe, Faust. C'est le sabbat. Des femmes nues Aux ailes de chauve-souris Volent prestement dans les nues, Au-dessus des toits de Paris. 5 Germania mène la danse, Plus folle qu'un cheval sans mors Ou qu'une urne qui n'a plus d'anse, Sur la colline où sont les morts. Cette Gretchen dorée et blanche, 10 Dans ses prunelles de saphir Montre des reflets de pervenche. Elle frémit pour un zéphyr Ou pour un brin d'herbe qui bouge, Comme une Agnès au temps jadis; 15 Mais parfois une souris rouge Sort de sa bouche aux dents de lys! En face d'elle se trémousse Un cuirassier, brillant Myrtil, Qui fait merveille sur la mousse. 20 -- Oh! le beau sabbat! lui dit-il; Sous ce brillant habit de reître, Sans plume de coq ni manteau, Qui diable pourrait reconnaître Le vieux compère Méphisto? 25 D'où je viens avec mon amante, On ne s'en doutera jamais, Et je veux, ô ma Bradamante, Vous faire impératrice! -- Mais, Comme il la berce d'un tel conte, 30 Embéguiné dans ses amours, De Moltke dit: Pardon, cher comte! On vous reconnaîtra toujours, Tant votre valeur a de lustre, -- Fussiez-vous même à Fernambouc; 35 Et là, dans votre botte illustre On voit très-bien le pied de bouc! Décembre 1870.

IDYLLES PRUSSIENNES -- Table des Matières
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