XLIX Trop de temps

Acteurs mélodieux Qu'un sage évite, De grâce, au nom des Dieux, Parlez plus vite. 5 Ah! soyez pétulants! Marchez, statues! Mais vous êtes plus lents Que des tortues. Lui qui voudrait fuir vers 10 Les cieux farouches, Le vers ailé, le vers Meurt sur vos bouches. Les drames sont troublés Entre vos griffes, 15 Et tous, vous ressemblez A des pontifes. Car, étant officiers D'académie, Tous vous officiez, 20 L'âme endormie. Vous bravez le courroux Du bleu Permesse, Et l'on croirait que vous Dites la messe. 25 Hâte-toi, damoiseau Trop bénévole! La Muse est un oiseau De feu, qui vole, Et fuit au ciel obscur, 30 Dans l'ombre immense Où le gouffre d'azur Est en démence. Elle brave les cris Et les huées, 35 Et lit les mots écrits Dans les nuées, Et du vague Inconnu Perce les voiles, Et plonge son front nu 40 Dans les étoiles. Suivant l'aigle aux yeux clairs Jusqu'à son aire, Elle atteint les éclairs Et le tonnerre. 45 Mais toi, bourreau têtu, Dont le pied marche Toujours, comme si tu Portais une arche; Tu vas embarrassé, 50 Traînant la guêtre, Comme un chien harassé Qui suit son maître Et peine, et sent encor Gonfler sa rate, 55 Et sur le sable d'or Traîne la patte! 25 janvier 1884.

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