V.... le baigneur.

V...., tout plein d'insolence, Se balance, Aussi ventru qu'un tonneau, Au-dessus d'un bain de siège, 5 O Barège, Plein jusqu'au bord de ton eau! Et comme Io, pâle et nue Sous la nue, Fuyait un époux vanté, 10 Le flot réfléchit sa face, Puis l'efface Et recule, épouvanté. Chaque fois que la courroie, Qui poudroie, 15 Passe à fleur d'eau dans son vol, On voit de l'eau qui l'évite Sortir vite Son pied bot et son faux col. Reste ici caché, demeure! 20 Dans une heure, Comme le chasseur cornu En écartant la liane Vit Diane, Tu verras V... tout nu! 25 On voit tout ce que calfate La cravate, Et son regard libertin Appelle comme remède A son aide 30 Héloïse Florentin! Mais un songe le visite! Il hésite A finir ses doux ébats; Toujours V.... se balance 35 En silence, Et va murmurant tout bas: « Ah! si j'étais en décembre A la Chambre, Je grandirais d'un bon tiers, 40 Et je pourrais de mon ombre Faire nombre A côté de monsieur Thiers! Je pourrais sur mon pupitre Faire, en pitre, 45 Le bruit traditionnel, Et, commençant une autre ère, Ne plus traire Le Constitutionnel! A mes festins que le Scythe 50 Même cite, On boirait de l'hypocras! J'obtiendrais des croix valaques Et des plaques: Je les ferais faire en strass! » 55 Plus brillant qu'une cymbale, Tel s'emballe Et se voit légiférant, Ce matassin crucifère Qui sut faire 60 Éclore Le Juif errant! Et cependant des coulisses Ses complices Vont tous prenant le chemin. Voici leur troupe frivole 65 Qui s'envole, Cigare aux dents, stick en main. En passant chacun s'étonne Et chantonne, Et lui dit sur l'air du Tra: 70 « Oh! la vilaine chenille Qui s'habille Si tard un soir d'Opéra! » Avril 1846.

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